Pour des troubles exceptionnellement graves - morts répétées et inexpliquées dans un lignage par exemple -, on fait appel à un nkóndi, nkísi à forme humaine ou animale particulièrement redouté dans le pays kôngo. On prétend qu’il peut décimer des lignages entiers jusqu’à l’élimination effective du vrai coupable, soupçonné de sorcellerie, car son action peut traverser plusieurs générations, sans distinction d’âge ni de sexe. Chez les Lâri, le fait d’« invoquer le nkóndi » représente probablement l’acte magique le plus grave qui puisse exister. Un lignage n’y a recours que sporadiquement, s’il subit des décès fréquents sans pouvoir détecter les sorciers responsables de ces méfaits. Le nkóndi est alors appelé à la rescousse pour tuer sans discernement, selon sa méthode cruelle et dévastatrice : il doit éliminer à coup sûr et sans pitié les responsables, mais aussi leurs proches, jusqu’à la disparition complète de leurs lignages afin d’éradiquer totalement le mal. On comprend alors que le mot même de nkóndi (qui désigne à la fois l’objet et le rituel) provoque, aujourd’hui encore, une réaction d’effroi, et ne se prononce qu’avec prudence, à mi-voix ; c’est en effet un symbole de destruction et de mort collective.
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Matériaux | Dimensions | Observations |
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Bois, patine, clous. |
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Cette statuette n’est pas récente, elle est très endommagée. |
La conception d’un monde « immergé » ou « parallèle » est partagée par tout les peuples de langue kôngo et, au-delà, dans ses grandes lignes, par l’ensemble des Bantou. À cette vision, il faut ajouter l’existence de nombreuses institutions religieuses de médiation avec le monde des esprits - variables parfois selon les populations et les régions -, elles-mêmes comprenant de multiples praticiens. Ce sont leurs activités qui donnent lieu à une utilisation de nkísi, objets magico-religieux appelés abusivement « fétiches ».
Pour comprendre l’attitude et la priorité accordée à la force et à l’efficacité du nkísi, il faut savoir que le nkúndu, la « sorcellerie » représente le danger absolu. Omniprésent, insidieux, quasi indétectable, il empêche de réussir, rend malade, provoque le décès et peut même compromettre la survie de lignages entiers. Il s’agit, aujourd’hui encore, d’une véritable représentation du pouvoir de nuisance invisible, magique, inhérent aux être humains, qu’ils en soient conscients ou inconscients, qu’il soit volontaire ou involontaire, inné ou acquis. Cette notion métaphysique résume tout à la fois les connaissances occultes, les moyens d’action invisibles et la force magique ou spirituelle qui permet d’agir sur son prochain. Les conséquences sont variables pour la victime supposée : les dommages causés vont de la malchance chronique, ndóko, au fait d’être vidée progressivement de sa substance vitale par la maladie, lòka, voire d’être détruite plus ou moins brutalement en étant « mangée » mystiquement. Le verbe dià exprime d’ailleurs aussi bien l’action de manger - au sens d’ingérer des aliments - que celle d’ensorceler. Ce pouvoir serait le propre de nombreuses personnes ordinaires, à qui il faut ajouter les êtres doués de facultés médiumniques de voyance ou de perception et les différents spécialistes du monde invisible initiés à cet effet : les ngàngà. Ces derniers, ainsi que les personnes « sensibles » en usent pour le bien de la communauté ; c’est en particulier le cas des mfúmu, chefs, qui l’utilisent pour discerner le vrai du faux lors du règlement de litiges inextricables. Et d’ailleurs tout détenteur de pouvoir se doit d’avoir cette capacité ; dans le cas contraire, il se fait assister par une personne qui en dispose, ngàngà ou autre. En revanche, les ndóki, « sorciers », sortes de malfaiteurs occultes, se servent du nkúndu pour nuire à leur prochain, la plupart du temps membre de leur propre lignage, car les liens du sang facilitent ces actes malveillants. Ainsi, la hantise permanente du commun des mortels est de tout faire pour s’en prémunir ; en temps ordinaire, on sollicite régulièrement la protection des esprits et des défunts. En cas de difficulté exceptionnelle, on fait appel à un ngàngà nkísi spécialisé dans un culte particulier afin de traiter un mal donné ; dans certains cas, on s’initie même à tel ou tel rite de guérison.
Contre les ndóki, le nkísi représente une protection qui s’ajoute à celle des ancêtres, mais sous des formes physiques et esthétiques extrêmement variables selon l’efficacité recherchée, les lignages concernés et les régions. Des exemples de paroles d’incantation prononcées devant un nkísi sont connus - l’aspect de l’objet est en revanche indéterminé. On ne s’adresse pas à ce nkísi afin de l’activer, car il l’est déjà, mais pour lui exposer le cadre de son intervention dans le but d’augmenter son efficacité et d’éviter tout risque d’erreur.